La crise du Covid secoue violemment l’univers du sport. L’urgence sanitaire prend le pas sur les enjeux économiques, reléguant le sport(if) au second plan, voire encore en-dessous. En France, l’enlisement de la situation est déjà facturé à 19,4 millards d’euros au Ministère des Sports. Et ce n’est pas fini…
Comment gérer la suite ? Peut-on en espérer des retombées positives dans le sport business ? Sportminded vous dresse un état des lieux (sans pessimisme !).
Covid : l’ennemi invisible frappe fort…
Les victimes sont nombreuses. En tête d’affiche parmi elles, les JO de Tokyo et l’Euro 2020 historiquement reportés à l’été 2021. Mais également les traditionnels Rolland-Garros et Tour de France, reportés en septembre, tout comme les 24h du Mans. Quant au Grand Prix de Formule 1, il est très menacé (les organisateurs s’exprimeront dans les prochains jours).
Dans la sphère du football, on s’interroge encore. Doit-on poursuivre les championnats en cours une fois le confinement terminé ? Ou considérer cette saison 2019-2020 comme « blanche » ? Le débat fait rage, mais la deuxième solution porterait un gros coup dur aux championnats européens. Si les 5 grands championnats européens (Angleterre, Espagne, Italie, Allemagne et France) ne reprennent pas, les pertes seront considérables pour les clubs (4 milliards d’euros de pertes estimées selon KPMG). Privés de revenus, notamment via la billetterie et la publicité, beaucoup de clubs ont désormais du mal à payer les salaires de leurs joueurs.
De plus, les entreprises impliquées dans le sport, et qui soutiennent les clubs, en font directement les frais. Par exemple, le CIO a du entamer une longue négociation avec la chaîne NBC, son premier argentier, avant de reporter les JO. Idem avec ses principaux sponsors (Visa, Coca-Cola, Airbnb). Et à une échelle plus modeste, 60% des entreprises indiquent qu’elles ne seront plus en mesure de financer leurs clubs. Quant aux collectivités territoriales, qui contribuent notamment au Tour de France, elles ne seront pas épargnées non plus.
La « Grande Boucle » a été décalée au mois d’août, et non annulée. Mais si cette décision parvient à limiter la casse, elle ne sauve pas tous les meubles. Car le cyclisme vit du sponsoring, et le Tour de France offre une exposition inédite, en plein mois de juillet (2 milliards de spectateurs, sur 170 pays!). Par exemple, l’équipe polonaise CCC a suspendu les salaire de la majorités de ses coureurs, suite au désengagement de son sponsor principal.
Le 3 avril, le manager de de l’équipe B & B Hotels-Vital Concept, Jérôme Pineau soulignait l’importance du sponsoring pour le cyclisme : « C’est la clé de voûte de notre économie. Si le Tour est annulé, on court à la catastrophe, s’inquiétait-il, chez France Télévisions. Le modèle économique de mon équipe repose aussi sur les hospitalités, et je compte énormément sur le Tour pour lever des fonds, choyer mes sponsors, organiser des reconnaissances d’étapes. »
Un « plan Marshall » à la rescousse ?
Peu reluisant, tout ça… Mais après avoir dressé ce constat morose, comment agir ?
Thierry Braillard a son idée. Le président de la Fondation du Sport français insiste sur l’ouverture d’un plan Marshall du sport, pour aider le sport français à se remettre sur pieds, une fois la crise passée : »Dans le sport amateur, pas mal de fédérations vont être complètement impactées et dans le monde professionnel, la situation de trésorerie de certains clubs laisse penser que ce sera compliqué. Le sport est un des meilleurs vecteurs d’intégration sociale, essentiel au développement de l’être humain. Les clubs en sont le terreau, il faut donc qu’ils puissent repartir. Ce plan Marshall doit donc forcément passer par un plan financier. On n’ a pas le droit de laisser des clubs mourir suite à cette pandémie, au contraire. » s’est exprimé l’ancien Secrétaire d’Etat aux Sports. Toutefois, il n’évoque pas précisément la provenance de ces éventuels « dons » nécessaires au projet, qui seraient, selon lui, redistribués par le CNOSF, l’Agence Nationale du Sport et les collectivités territoriales. Dans le principe, l’idée est intéressante, mais mérite encore d’être approfondie et précisée.
Ce projet d’un « plan Marshall » séduit Kamel Chibli, vice-président de la Région Occitanie délégué à l’Education, à la Jeunesse et aux Sports. Il appelle à une « mobilisation générale de toutes collectivités, et surtout du gouvernement pour mettre en place un plan Marshall du sport« . Et si le conseiller régional reste, lui aussi, assez vague sur la provenance de ces éventuels fonds d’aide, sa région a concrètement agi en faveur du sport. En effet, L’Occitanie a décrété son propre plan d’urgence la semaine dernière. Il comporte une simplification des démarches pour obtenir 6M€ d’aides régionales, qui vont aider les 80 ligues et comités, les 250 organisateurs de manifestations sportives, et les clubs sportifs de la région. En outre, l’ouverture d’un fonds exceptionnel de 5M€ a été annoncé. Il sera destiné à financer une partie des pertes de recettes pour les évènements. »Nous devons collectivement sauver notre modèle sportif qui a déjà beaucoup souffert, soutenir nos structures sportives, nos organisateurs de manifestations, pour que le sport continue à être l’un des meilleurs vecteurs d’intégration sociale, essentiel au développement de l’être humain et ainsi, lui donner enfin, la place qu’il mérite dans notre pays » a-t-il développé. Néanmoins, il se dit « inquiet » sur l’engagement des partenaires privés, au vu de l’ampleur de la crise.
Pour un lendemain meilleur ?
Une chose est certaine : pour renaitre de ses cendres, le monde du sport français aura besoin de solidarité. Et d’une vraie. Plus que jamais, l’idée d’une redistribution des revenus des institutions, clubs et partenaires les plus riches vers les plus modestes devra s’implémenter. La branche extrême des optimismes peuvent y voir la fin du sport business à outrance. L’occasion rêvée de changer un écosystème où les clubs les plus puissants gagnent toujours plus d’argent, en faisant en sorte que les plus vulnérables soient aidés dans cette période de flou.
Candide, trouvez-vous ? Et pourtant… L’Angleterre, par exemple, a déjà pris le problème à bras le corps. En effet, la Ligue de football professionnelle du pays (EFL) a débloqué 50 millions de livres (57 millions d’euros) pour aider les clubs en galère. « Des mesures vont être mises en place pour aider immédiatement (les clubs) avec des liquidités via un paquet, à court terme, de 50 millions de livres » a communiqué l’instance. Des clubs de deuxième, troisième et quatrième division divisions seront bénéficiaires de l’aide. Prenons-en de la graine !
Cette crise pourrait donc avoir, au moins, un effet positif : entamer une prise de conscience générale et, qui sait, accoucher d’un système plus juste.
LMF